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Molière (1622-1673)
Dans Le Malade imaginaire (1673), Argan, convaincu d’être un grand malade, veut faire épouser à sa fille un médecin. Grâce à la servante Toinette, Argan se laisse persuader de devenir lui-même médecin. La pièce se termine par un curieux examen de médecine dont voici un extrait. Plusieurs docteurs interrogent le candidat (Bachelierus)
PRAESES [1]
Juras gardare statuta
Per Facultatem praescripta
Cum sensu et jugeamento ?
BACHELIERUS
Juro.
PRAESES
Essere, in omnibus
Consultationibus,
Ancieni aviso,
Aut bono,
Aut mauvaiso ?
BACHELIERUS
Juro.
PRAESES
De non jamais te servire
De remediis aucunis
Quam de ceux seulement
doctae Facultatis,
Maladus dust-il crevare,
Et mori de suo malo ?
BACHELIERUS
Juro.
PRAESES
Ego, cum isto boneto
Venerabili et docto,
Dono tibi et concedo
Virtutem et puissanciam
Medicandi,
Purgandi,
Seignandi,
Perçandi,
Taillandi,
Coupandi,
Et occidendi
Impune per totam terram.
- Trouvez, dans ce texte, des mots qui appartiennent à la langue latine, et des mots inventés par Molière.
- Quels étaient les traitements médicaux en usage à l’époque de Molière ?
- Montrez quelles sont les intentions satiriques de Molière.
Jules Romains (1885-1972)
Broudier a donné rendez-vous à son ami Bénin à la gare de Nevers à 9 heures du matin ; Bénin craint une farce de son copain qui s’est déjà moqué de lui en le « convoquant » une première fois à 4 heures du matin, ce même jour dans la ville d’Ambert. En effet, un étonnant spectacle attend le jeune homme à sa descente du train : une délégation officielle l’accueille, pensant voir arriver un haut dignitaire russe... Broudier lui adresse un solennel discours en latin (il fait passer cette langue pour du russe !) et lui demande de dire quelques mots à ses hôtes, tandis que lui, Broudier, propose de traduire...
« Il ne manque pas d’un certain sans-gêne, se disait Bénin. Comme si cette grotesque réception ne suffisait pas... Il m’abrutit d’un discours cicéronien... Me faire passer pour un conseiller du tsar, c’est de la démence... Avec des jambières... il a beau dire. Tous ces gens-là se paient ma tête. »
Mais le silence de tous était si avide de paroles que Bénin se décida à l’assouvir. Il ne parla pas, il cria :
— Haud nescio qua astutia cares, porcorum turpissime !
— Intellego, fit Broudier en s’inclinant.
Puis, s’étant retourné vers les personnages de sa suite
— Voici, messieurs, la traduction des paroles que M. le conseiller à la Cour de Russie daigne proférer en réponse à mes modestes souhaits de bienvenue :
— Bien cher monsieur, on ne peut certes dire que vous manquiez de courtoisie !
Bénin reprit :
— Quod si pugnum meum non cohiberem, gulam tuam subito ictu sane affligerem !
— Si je ne retenais pas l’élan de ma gratitude, traduisit Broudier, je me permettrais de vous donner l’accolade.
(...)
Les quatre délégués hochèrent la tête avec componction, et laissèrent paraître qu’ils tenaient en grande estime la sagesse de ce Russe.
— Attamen, gémit Bénin, tanta amentia captus sum, ut pagum istum peterem.
— Je me félicite, messieurs, de l’inspiration heureuse qui m’a conduit à cette magnifique cité.
— Te tandem reperio, marcidum lenonem, qui meam, ut ita dicam, bobinam toties irrisisti !
— Je vous retrouve enfin, martial intermédiaire, qui avez tant de fois égayé le sombre écheveau de mes jours.
— Merdam ! Merdam ! hurla Bénin exaspéré.
— Salut ! Salut ! cria le traducteur.
— Utinam aves super caput tuum cacent !
— Que les oiseaux du ciel répandent leur bénédiction sur votre tête !
Bénin se tut. Broudier fit un signe. Et la fanfare attaqua l’Hymne Russe qui se défendit bien.
Jules Romains, Les Copains
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- Trouvez, dans ce texte, le véritable sens des phrases prononcées par Bénin.
- En quoi le latin macaronique met-il en valeur les intentions comiques de l’auteur ?